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Est-ce que ça se dit «personne grosse»?

personne grosse

Photo de AllGo – An App For Plus Size People via Unsplash

Bienvenue à «Est-ce que ça se dit?», une nouvelle chronique mensuelle où URelles répond aux questions liées au langage inclusif. Vous avez une question pour nous? Écrivez à info@urelles.com et nous vous répondrons. Votre identité ne sera pas dévoilée.

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Est-ce qu’on peut dire personne grosse?

Imaginons une conversation typique entre deux collègues qui ne se sont pas vu‧es depuis longtemps:
«Comment étaient tes vacances? Tu es partie combien de temps, déjà?»
«Super! J’étais hors du pays pendant environ 3 mois et j’en ai profité pour découvrir plein de choses! J’ai même pris du poids.»
«Oh ne t’inquiètes pas, tu restes quand même très belle!»

En rassurant sa collègue qu’elle est toujours belle, on implique que pour être belle, il faut être mince et que forcément, en étant (plus) grosse, elle ne peut donc pas l’être. La réaction de rassurer son interlocutrice est instinctif et probablement fait inconsciemment, mais cela pourrait avoir l’effet inverse souhaité: invalider, aliéner et faire sentir notre collègue qu’elle devrait avoir honte. Déconstruisons tout ça.

Ce n’est pas un gros mot!

Le terme «gros» ou «grosse» est revendiqué par les personnes qui s’identifient comme tel pour remettre en question l’utilisation prédominante du mot dans des contextes essentiellement négatifs. Les personnes grosses choisissent d’utiliser le mot comme n’importe quel autre descripteur avec neutralité car c’est ce qu’elles sont.

Le mot «gros» ou «grosse» n’est pas un gros mot. Ce n’est pas un concept honteux non plus.

Le mot n’est rien d’autre qu’un terme descripteur neutre. Il n’indique pas le niveau de santé d’une personne, ne qualifie pas sa beauté et n’attribue pas une valeur à la personne.

Parlons un peu de grossophobie

Nous sommes constamment bombardé·es de messages concernant les idéaux de beauté qui sont souvent irréalistes et truffés de clichés: les femmes devraient être minces et les hommes musclés, par exemple. Ces messages sont véhiculés sur les médias sociaux, dans les séries télé, à travers des filtres Instagram, par les magazines qui vont nous donner la recette magique pour avoir «un corps à maillot de bain» ou encore comment tenir nos résolutions de la nouvelle année et de perdre ou de ne pas reprendre «ces kilos superflus». On nous dit constamment que nous devrions vouloir atteindre ces types de corps. Nous assimilons la perte de poids à l’amélioration de soi, à une meilleure santé, à une supériorité morale et à une valeur de notre personne. C’est ça la grossophobie et c’est vraiment très difficile de s’en débarrasser, car même si l’on sait que le poids corporel n’est pas un indicateur de santé, il peut être difficile d’ignorer ces messages.

Obèse? En surpoids?

Les termes «obèse», « embonpoint » et «en surpoids» sont empruntés au domaine médical. En les utilisant dans une conversation entre collègues, dans un univers non-lié à la santé, on tire le sujet vers la stigmatisation et la médicalisation, alors qu’être une personne grosse est une caractéristique normale et naturelle des corps humains.

Enveloppé·e? Rond·e? Voluptueuse?

Ces termes-là, qu’ils soient en français ou en anglais comme par exemple curvy, fluffy, etc. peuvent être vus comme des euphémismes. Au lieu d’utiliser un terme qui existe et qui n’est pas un gros mot, on utilise un contournement. Cela pourrait traduire un malaise, un inconfort, on évite d’utiliser le mot «gros» car on en a peur ou honte. Cela ajoute également au sentiment que « gros » égale « mal » ou « mauvais » et qu’on ne veut pas le nommer.

Vous pouvez, évidemment, décider d’utiliser ces termes ou vous connaissez des personnes grosses qui se réfèrent elles-mêmes avec ces mots, vous en avez tout à fait le droit. Loin de nous de vouloir faire la police de la langue! Comme toujours, notre recommandation finale sera toujours de demander à votre interlocutrice ou interlocuteur comment iel préfère être nommé·e. C’est tellement plus simple! Selon votre niveau de confort avec la personne, il est aussi possible de demander pourquoi elle choisit cette appellation et l’emmener vers une réflexion qui pourrait l’encourager à choisir le terme « gros‧se » et à l’assumer sans malaise.

On demande ce que notre collègue préfère

N’oubliez pas que même si le mot «gros» ou «grosse» est utilisé, il est encore souvent dit comme une insulte par beaucoup de personnes. Par conséquent, certaines personnes peuvent ne pas se sentir à l’aise de l’appliquer, auquel cas il convient d’emprunter des descripteurs plus acceptables pour la personne à laquelle vous faites référence, tels que «personne taille plus» ou «personne de forte taille».

Merci à Edith Bernier d’avoir appliqué son œil d’experte à cet article.

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