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Est-ce que ça se dit «personne ayant un handicap»?


personne en situation de handicap

Photo de CDC via Unsplash

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Acronymes utilisés
PH – Personne handicapée
PSH – Personne en situation de handicap
PAI – Personne ayant une ou des incapacités
PALF – Personne ayant une ou des limitations fonctionnelles

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Quelle terminologie devrait-on utiliser pour parler d’une personne ayant un handicap?

Sujet complexe et à nuancer; nous allons tenter d’y voir plus clair tout en conservant à l’esprit que nous sommes loin d’un consensus. Le sujet évolue constamment et rapidement.

Tout d’abord, précisons que les termes « situation de handicap » et « personnes handicapées » ont fait leur apparition relativement récemment; passant d’une vision médicale du handicap pour ensuite se pencher sur une vision sociale du handicap, ces termes ont progressivement remplacé des termes tels que « infirme », « invalide » ou « inadapté » et ce, dans différentes situations, pour désigner des personnes qui vivent des obstacles dans leur quotidien. Par contre, malgré leur ressemblance, il est important de mentionner que ces deux termes véhiculent des identités et idéologies différentes.

Qu’entend-on par «personne handicapée»?

Au Québec, une personne handicapée (PH) est définie dans la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées comme « Toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes. »

La caractéristique distinctive d’une personne handicapée réside dans la sévérité et la durée de son ou ses incapacités, ainsi que dans les probabilités d’obstacles qu’elle pourrait rencontrer dans sa vie quotidienne. Bien qu’il n’y ait pas de catégorisation officielle et exhaustive, ces incapacités peuvent prendre diverses formes, telles que:

  • Motrices;
  • Intellectuelles;
  • Visuelles;
  • Auditives;
  • Liées à la communication;
  • ou encore, associées à des troubles du spectre de l’autisme ou des troubles mentaux graves.

Lorsqu’on pense à une personne handicapée, bien souvent, on a en tête l’image d’une personne en fauteuil roulant ou d’une personne aveugle, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg de ce qui se rapporte au handicap.

La définition de la Loi utilise donc le terme « personne handicapée » pour désigner des individus ayant de plus grands besoins de soutien et d’adaptation face aux obstacles rencontrés sur divers plans, par exemple: professionnel, social, scolaire, etc. Elle a notamment été pensée en prévision à l’admissibilité de ces personnes à des programmes sociaux. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne s’arrête pas à cette définition pour évaluer les cas de discrimination, tels que le souligné dans cet article sur les 14 motifs de discrimination.

« Personne en situation de handicap »: l’importance de l’environnement

Le terme «personne en situation de handicap» (PSH), lui, signifie plutôt qu’une personne peut avoir des difficultés à faire certaines activités de tous les jours, comme se déplacer, apprendre, ou travailler, à cause d’obstacles dans son environnement. Ces difficultés peuvent changer, ou pas, avec le temps en fonction des obstacles auxquels la personne est confrontée dans son environnement.

Notons ici l’aspect situationnel du handicap; le handicap n’est pas une caractéristique de la personne mais plutôt une caractéristique de la situation dans laquelle elle se trouve.

Selon le Gouvernement du Québec, la situation de handicap est donc « le résultat d’une interaction entre les incapacités d’une personne, ses activités et son environnement. Elle met l’accent sur l’importance d’agir sur l’environnement de la personne. » L’exemple qui est souvent donné est celui de la personne en fauteuil roulant. S’il n’existait aucun escalier dans le monde, l’individu ferait face à peu d’obstacles dans ses déplacements. Le handicap serait donc créé par l’environnement.

Des différences d’idéologies

Le terme «situation de handicap» a tendance à être plus accepté socialement. C’est parfois une réaction à une perception de connotation négative associée au terme handicap, comme « faible » ou « incapable » ou «malade». Ne souhaitant pas être vu comme tel, le terme « personne en situation de handicap » semble une meilleure option pour certain·es, puisqu’il semble plus détaché de la valeur de la personne.

Ceci dit, on peut adhérer à cette vision interactionniste et tout de même préférer l’utilisation de « personne handicapée », notamment quand on considère que tout n’est pas lié à l’environnement, et que la personne a une différence ou fait face à une limitation, même dans l’environnement le plus accessible possible.

Pour  certaines personnes, l’expression « personne handicapée » est utilisée dans un objectif de s’approprier sa condition, dans un objectif de reconquête du pouvoir et de leur situation. Tout comme « personne grosse » n’est pas une insulte, « personne handicapée » ne l’est pas non plus.

Ce sont surtout ces différences de vision/d’idéologies qui expliquent que les deux termes – «personnes handicapées» et «personne en situation de handicap» soient utilisés, bien plus que la différence de définition. Au final, dans le langage courant, les expressions «personne handicapée» et «personne en situation de handicap» sont utilisées de manière équivalente, sans réelle distinction quant aux personnes visées.

« Personne ayant des incapacités » et « personne ayant des limitations fonctionnelles »

D’autres termes sont également utilisés, comme «personne ayant une ou des incapacités» (PAI), «personne ayant une ou des limitations fonctionnelles» (PALF), ou «personne ayant un handicap ou personne vivant avec un handicap». Là non plus, dans l’usage courant, il n’y a pas de grande distinction. Les termes PAI et PALF incluent autant de personnes que PSH.

Le terme «personne ayant une limitation fonctionnelle» n’a pas de définition courante claire, et est aussi couramment utilisé de manière interchangeable avec PH ou PSH, surtout sur le territoire de Montréal. Les organisations de ce territoire (exemples: Ville de Montréal, AlterGo, la STM, le RUTA, DéPhy Montréal..) se sont mises à l’utiliser graduellement, sans qu’une définition ait eu l’air d’émerger. Le terme est un peu plus large que PH, car il parle des incapacités, pas de leur sévérité ou de leur permanence.

Le terme «personne ayant une incapacité» inclut pratiquement toutes les mêmes personnes que PSH, car l’incapacité peut être temporaire ou permanente, légère ou sévère, mais on lui accole parfois une tendance médicale.

De son côté, le terme «personne ayant un handicap» est également bien accepté. Par contre, personne «vivant» avec un handicap est plus critiqué, car on ne vit pas avec un handicap comme on vit avec un chien ou un·e conjoint·e.

«Personne handicapée» ou «personne en situation de handicap» : un choix

Étant donné que les termes « personne handicapée » et « personne en situation de handicap » (ainsi que d’autres termes comme PAI et PALF) peuvent tous s’appliquer pour une personne ayant des incapacités significatives et persistantes, revient alors la question à savoir lequel utilise-t-on.

Comme pour la majorité des termes décrivant les personnes marginalisées qu’on rencontre en EDI, il n’y a pas de consensus sur cette question et nous vous recommandons toujours de demander à la personne concernée ce qu’elle préfère. Il n’y a donc pas de meilleur terme en soi, c’est un choix.

Dans la même idée, certaines personnes concernées par la définition de la Loi ne se sentent pas forcément ainsi, comme par exemple les personnes diabétiques. De même qu’une personne peut ne pas avoir de diagnostic et se considérer une personne handicapée. En effet, les enjeux d’accessibilité aux services de santé ainsi que les critères particuliers préétablis peuvent faire en sorte qu’une personne n’ait pas de diagnostic officiel malgré la présence d’incapacités.

En somme, lorsqu’on utilise le langage centré sur la personne, soit l’utilisation de « personne handicapée » ou de « personne en situation de handicap» au lieu de «handicapé.e», qui est à proscrire, l’accent est mis sur l’individu avant le handicap. Cette approche vise à reconnaître d’abord l’humanité de la personne, en suggérant que le handicap est un aspect de son identité globale.

Aucun terme ne fera l’unanimité. Considérant que toutes ces expressions sont plus ou moins interchangeables, avec des avantages et des inconvénients, les organisations peuvent choisir celle qui leur convient le plus en toute confiance.

Et si on récapitule?

-Les termes PSH, PAI, PALF incluent techniquement plus de personnes en incorporant les personnes ayant des incapacités temporaires et légères.

-S’il y a une distinction entre « personne handicapée » et « personne en situation de handicap » (et PALF, et PAI), il n’y a pas de réelle distinction dans le langage courant. Cela devient un choix personnel.

-Le principal terme à éviter est « handicapé·e », qui est globalement considéré comme déshumanisant. Ce sont des personnes avant tout.

-Si l’on s’adresse aux personnes de manière individuelle, il est préférable de vérifier la préférence personnelle de chacun·e (personne handicapée, personne en situation de handicap, personne ayant une ou des limitations fonctionnelles, personne ayant des limitations, personne ayant des incapacités, personne ayant ou vivant avec un handicap ou aucune de ces terminologies). Certaines personnes vont même préférer qu’on évite la terminologie large pour plutôt faire référence à leur condition précise, comme personne se déplaçant en fauteuil roulant, personne sourde, personne autiste, etc. La relation au handicap peut être complexe.

Merci à Julie-Anne Perrault pour son aide à la rédaction de cet article.

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