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Linda Liukas: une programmeuse, une raconteuse d’histoires et une illustratrice

Nous sommes tout le temps en train de chercher quelle sera la prochaine technologie et comment être plus performant dans notre travail. En tant qu’ingénieure, on m’a dit que j’étais bonne pour résoudre les problèmes. Je n’ai jamais trop réfléchi à quels problèmes je pouvais résoudre, ni aux directions à prendre, et je n’ai pas été encouragé à le faire non plus. L’orientation la plus constante est celle du profit. Pas d’argent, pas de projet.
Tout au long de mon parcours professionnel, j’ai toujours été enthousiasmée par les nombreux avantages que les progrès technologiques peuvent nous offrir; mais je suis également découragée de constater comme nos objectifs sont à très court terme. Nous vivons dans un monde qui change rapidement et d’une manière chaotique. J’ai donc décider de chercher mon chemin à travers ce chaos. Voici ma première tentative.

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Linda LiukasLinda Liukas est développeuse mais ce serait bien trop réducteur de la présenter seulement comme ça. C’est une personne fascinante et complexe qui n’a jamais pris le chemin le plus facile dans la vie. Linda a fondé Rails Girls, une organisation qui met sur pieds des ateliers de programmation pour femmes dans plus de 300 villes, à travers le monde. Il y a quelques années, Linda travaillait à Codeacademy, une plateforme interactive en ligne qui offre des cours de programmation gratuits. Un beau jour, elle décide de quitter cette job pour écrire des livres pour enfants afin de leur enseigner la programmation. De ses propres mots, Hello Ruby, le livre pour enfants, est «la façon la plus fun au monde d’apprendre la technologie et l’informatique». Elle a remporté le prix Ruby Hero 2013 et a été nommée championne numérique de Finlande par le commissaire européen chargé de la stratégie numérique. Entrevue.

Bahar Partov : Tu as quitté Codeacademy pour commencer à enseigner la programmation aux jeunes. Quelle était la raison derrière cette décision?
Linda Liukas : J’habitais à New York l’époque et j’avais le mal du pays. Je suis originaire d’Helsinki. Ma ville me manquait. Mon retour en Finlande m’a donné le temps nécessaire pour planifier les prochaines étapes de ma carrière. Comme c’est un petit pays, les choix sont très limités. J’ai dû me créer mes propres opportunités. Hello Ruby était un projet en parallèle sur lequel je travaillais déjà avant même de rejoindre Codecademy. De retour à Helsinki, j’ai décidé que c’était le moment de me concentrer pleinement à ça. Je suis très heureuse de l’avoir fait, car je n’ai trouvé nulle part ailleurs le sentiment d’accomplissement que je ressens lorsque je me penche sur des problèmes à l’intersection de l’éducation de la petite enfance, de l’informatique et de la créativité. C’est pendant l’enfance qu’on a le plus d’impact, pas dans la Silicon Valley.  Le monde change vraiment lorsque nous investissons dans nos enfants.

«La technologie est beaucoup trop importante pour être laissée aux technologues.» – Linda Liukas

Bahar Partov : Quelles sont tes attentes vis à vis de Rails Girls?
Linda Liukas : Rails Girls est un projet qui a plus de dix ans maintenant. Les objectifs d’origine ont probablement beaucoup changé. À l’époque, je voulais construire une communauté pour des gens comme moi, curieux de coder et désireux d’en savoir plus. Il y a dix ans, le mouvement d’apprentissage de la programmation n’en était encore qu’à ses débuts. Rails Girls proposait trois éléments:
1. la promesse de construire quelque chose de concret pendant un atelier d’une fin de semaine
2. une communauté de femmes aux opinions similaires
3. et pénétrer l’écosystème Ruby/Rails local.
Aujourd’hui, Rails Girls est présente dans plus de 300 villes, mais je ne m’occupe plus de l’organisation. J’espère que Rails Girls ne sera plus nécessaire un jour, que l’idée que les femmes ne puissent être programmeuses soit complètement ridicule et que les écosystèmes de programmation soient devenus plus amicaux et plus accessibles pour n’importe quelle personne qui souhaite apprendre.

Bahar Partov : Tu as écrit des livres et organisé des ateliers pour enseigner la programmation aux adultes de demain. As-tu des idées de comment nous pourrions rendre la programmation plus attrayante et accessible à tous.tes?
Linda Liukas : J’ai plein de projets! Je veux réaliser une exposition dans un musée où on pourrait physiquement entrer dans un ordinateur et apprendre par le jeu comment ils fonctionnent. J’aimerais également ouvrir une école qui mélangerait la pensée de Maria Montessori, Alan Turing et Björk. Il y a beaucoup de choses qui peuvent et devraient influencer comment l’informatique est enseigné. Mais malheureusement, le temps est définitivement ma plus grande contrainte en ce moment.

Bahar Partov : Comment vois-tu l’avenir de la programmation? Pourrait-il s’agir d’un avenir sans ordinateurs?
Linda Liukas : Absolument, il pourrait y avoir un avenir sans ordinateurs. Je pense beaucoup à ce à quoi ressemblera la technologie dans 10 ou 20 ans, lorsque les enfants d’aujourd’hui entreront dans la vie active. C’est une période délicate car c’est suffisamment loin dans le temps pour que des changements générationnels puissent se produire. Aujourd’hui, nous savons déjà que les enfants comprendront les ordinateurs d’une manière très différente de la nôtre, non pas à travers des écrans ou des claviers, mais à travers la voix, les capteurs et les systèmes intelligents. Cette génération actuelle d’enfants sera la dernière à se souvenir de l’ordinateur comme de la boîte que nous connaissons. Ils grandiront dans un monde où les ordinateurs seront partout : de leurs ours en peluche à leurs brosses à dents. C’est pourquoi il est important d’aider les enfants à comprendre comment créer, inventer et construire avec un clavier.

Bahar Partov : Aujourd’hui, nous vivons dans notre monde numérique et physique. Parfois, le fossé entre les deux est significatif.   Comment pouvons-nous construire un avenir où notre monde virtuel est plus en harmonie avec notre monde réel?
Linda Liukas : L’autrice de livres pour enfants Astrid Lindgren dit que la politique est trop importante pour être laissée aux politiciens. Je dis que la technologie est beaucoup trop importante pour être laissée aux technologues. Nous avons besoin d’un ensemble de personnes beaucoup plus diversifié pour avoir du poids dans la discussion sur les problèmes que nous résolvons avec la technologie. Il faut commencer par inviter de nouvelles voix autour de la table. Je suis toujours à la recherche de personnes ayant des visions inspirantes et pleines d’espoir pour l’avenir où les humains, la technologie, la nature et l’intelligence non-humaine cohabiteront. Mes personnes contemporaines favorites sont Björk, Ted Chiang et tous les films de Hayao Miyazaki. J’aimerais qu’il y en ait beaucoup plus. Mon rêve n’est pas de vivre pas dans un monde virtuel, mais plutôt que la technologie nous aide à mieux comprendre notre monde. Imaginez si nous pouvions créer un langage pour les arbres ou pour comprendre les champignons!

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