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Le Panier Bleu et les femmes: c’est TOUJOURS le bon moment pour dénoncer le manque de femmes

Le premier ministre François Legault et le ministre de l’Économie et de l’Innovation Pierre Fitzgibbon

Apparemment, parler de diversité est acceptable tant qu’on n’est pas dans une période de crise. Pendant une crise, il faudrait laisser la place «aux vrais». C’est ce que certaines personnes répondent lorsqu’on dénonce des mesures non-inclusives.

Marie-Claude Lortie, chroniqueuse à La Presse, publie ce matin, un billet d’opinion sur Le Panier Bleu. Le Panier Bleu, c’est le site de ecommerce lancé en un temps record, dimanche après-midi par le gouvernement du Québec. Il s’agit de «stimuler notre économie et venir en aide à nos entrepreneurs […] pour dynamiser le commerce local», peut-on lire sur le site Web. L’équipe est composée d’un directeur général, et le conseil d’administration (CA) de quatre femmes et quatre hommes. Il y a donc parité; mais lors du point de presse quotidien, dimanche, au moment où le gouvernement annonce qui est l’équipe derrière l’initiative, on ne cite que trois personnes et ce sont trois hommes. Plusieurs voix s’élèvent alors pour dénoncer qu’en 2020, avoir un CA uniquement composé d’hommes, ça n’a pas d’allure! On apprend quelques heures plus tard qu’il y a finalement des femmes. Il aurait suffi que le gouvernement annonce les quatre femmes et les quatre hommes, composant le CA, pendant le point de presse et il n’y aurait jamais eu de polémique.

J’ai parcouru mes fils Twitter, LinkedIn et Facebook et j’ai fait ressortir les trois commentaires les plus représentatifs de l’opinion générale.

Commentaire 1: «Vous croyez vraiment que c’est ça la priorité en ce moment?»
Oui, nous vivons une crise dramatique qui nous met tous.tes à cran et nous rend anxieux.ses. Je le suis. Parler de la représentation des femmes qui composent 50% de la population et qui sont les principales à décider de la consommation du ménage, ce n’est pas une idée cute qui devrait disparaitre la minute où on rencontre une difficulté. C’est un concept intelligent et stratégique. Les femmes décident à 70-80% des dépenses des ménages, il est donc plus que judicieux de les mettre sur un conseil d’administration d’un site de ecommerce.

Le commentaire ci-dessus suppose également un autre concept dangereux. Celui que seuls les hommes sont les vraies personnes capables de nous sortir de la crise. Vous trouvez que j’exagère?
Pensez à tous les super-héros masculins dans les films. Pour Bloomberg, parmi les 50 meilleurs, il n’y a qu’une seule femme.
Pensez aux dirigeants d’entreprise, où seulement 16% des entreprises canadiennes sont dirigées ou appartiennent à des femmes.
Pensez aux chefs d’États: moins de 60 pays dans le monde ont déjà eu une femme à leur tête.
Pourquoi y a t-il encore à notre époque autant d’hommes à des hauts postes de décision? Parce qu’inconsciemment, on pense qu’un bon leader se doit d’être masculin!

Commentaire 2: «On a pris les meilleurs et ça se trouve être des hommes»
J’ai entendue cette phrase tellement de fois que j’ai arrêté de compter! Non, il ne s’agit pas des meilleurs. Voilà pourquoi. Lorsqu’une entreprise est en processus de recrutement, elle écrit une offre d’emploi. La personne responsable publie cette annonce dans son réseau et demande des recommandations. Ceux-ci manifestent leur intérêt. Des rencontres ont lieu. L’annonce est publiée sur les sites d’emploi, car les ressources humaines insistent. Les candidatures «traditionnelles» arrivent, mais elles ne sont pas vraiment considérées. En effet, les liens tissés avec ceux ayant été invités à prendre une bière ou un café à l’étape précédente sont déjà forts. En définitive, les buveurs de café et bières sont embauchés. Conclusion: si vous n’êtes pas dans le bon réseau, vous n’avez pas la job. Il ne s’agit donc pas du «meilleur candidat», mais bien du «meilleur candidat qui fait partie du bon réseau et qui avait soif ce jour-là».

Commentaire 3: «Il n’y a pas assez de cheffes d’entreprises»
Les femmes étant sous-représentées dans le monde des affaires, c’est donc normal qu’elles soient moins nombreuses. Il est effectivement plus difficile de les trouver. Mais utiliser cet argument pour expliquer qu’on a préféré créer une entité sans elles, c’est carrément démagogique! Vous ne connaissez aucune femmes en affaires? Voilà plusieurs essources pour en trouver:
– Le Réseau des femmes d’affaires du Québec 
– Premières en affaires a publié un palmarès de 75 entreprises avec des femmes à leur tête
– Femmessor finance les entrepreneures depuis plus de 20 ans
– Cheffes de file, une initiative de la Caisse de dépôt et de placement du Québec
– Le fonds pour les femmes en technologie de la BDC

Ces exemples sont pris dans le contexte de la pandémie, mais ils sont révélateurs d’une certaine pensée concernant la place des femmes dans les sphères de pouvoir: leur présence (et donc leur absence) ne tient qu’à un fil. On pense tous.tes que l’accès à l’avortement sécuritaire était acquis et voyez ce qu’il se passe aux États-Unis. En fait, j’ai peur. J’ai peur qu’on oublie l’importance de la représentativité, des femmes comme des hommes. J’ai peur que tous les efforts qu’on met en place pour l’avancement des femmes puissent prendre le bord demain. J’ai peur qu’on ait tellement peur qu’on en oublie nos valeurs.

Je vous laisse sur cette citation de Simone de Beauvoir:

«N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.»

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