Il existe une entrepreneure techno-agricole au Québec et on l’a rencontrée!
Être une femme en technologie, c’est déjà pas facile. Être une femme en technologie agricole, c’est tout un défi! Nous avons rencontré Raphaëlle Viau, une multi-entrepreneure qui a la cause des femmes en affaires et en technologie à cœur. Elle a gagné le concours Femmes Nueva 2019, un concours de pitch qui met en valeur les femmes du numérique. Plusieurs bourses étaient à gagner ainsi qu’un voyage à Nantes pour la Nantes Digital Week. Nous l’avons rencontrée lors de cette manifestation qui se veut le festival du numérique pour tous et qui rassemble une centaine d’événements sur l’ensemble du territoire nantais pendant 10 jours. Portrait.
Émilie Vion: D’où vous vient cette énergie entrepreneuriale?
Raphaëlle Viau: J’ai été athlète de haut niveau en patinage artistique. C’est l’athlétisme qui a amené en moi la discipline, confiance, rigueur et détermination dans tout ce que je fais. Dans mon cas, j’ai appris très tôt à communiquer et brainstormer avec mon partenaire de patinage de danse en couple sur les costumes, les musiques, etc. Ce parcours d’athlète m’a appris à écouter et respecter la vision de l’autre, comme lors d’un partenariat d’affaires, par exemple. Suite à une blessure importante, j’ai dû mettre fin à ma carrière d’athlète. J’avais alors beaucoup de temps à réinvestir. C’est là que j’ai commencé mon premier projet qui a été l’association Femmes en Affaires, sous la tutelle de l’UdeM et HEC Montréal, et c’est vraiment ce qui m’a donné la piqûre de l’entrepreneuriat.
«Il nous faut plus de modèles de femmes à succès, peu importe la définition que nous lui donnons. C’est à notre génération de créer des modèles pour les générations à venir en respectant l’environnement, l’éthique de l’utilisation des technologies, etc.» – Raphaëlle Viau
Émilie Vion: Vous avez justement créé une entreprise technologique dans le secteur agricole, pouvez-vous nous en parler? Quels défis avez-vous rencontrés?
Raphaëlle Viau: En juillet 2018, j’ai cofondé l’entreprise Agrilog avec mon frère et un ami. On voulait démarrer un système automatique de ventilation pour les silos à grains, afin d’assurer l’entreposage des grains à leur niveau optimum de qualité, ainsi que surveiller la qualité du grain. C’est un système d’Internet des Objets (IoT, en anglais) qui utilise autant du hardware que du software.
Émilie Vion: Quels défis avez-vous rencontrés?
Raphaëlle Viau: De nombreux! Être une femme, non-ingénieure, qui ne vient pas du milieu agricole, je partais avec quelques poids dans ma besace!
La relation avec les clients était tout un défi au début. J’ai souvent été prise pour la réceptionniste. Afin de me faire respecter, j’ai décidé d’aller dans les champs pour rencontrer directement les producteurs. Je voulais leur montrer qu’en tant que cofondatrice, je pouvais tout à fait répondre à leurs questions. J’y ai découvert des personnes humaines et accueillantes. Sensibiliser et éduquer sur la nécessité de nouvelles technologies dans le secteur agricole a été un autre gros défi. Enfin, n’étant pas ingénieure, il a souvent fallu que je prouve mon point et fasse entendre ma voix concernant la stratégie de l’entreprise et l’avenir de notre technologie.
Émilie Vion: Quel accueil avez-vous lorsque vous pitchez sur scène?
Raphaëlle Viau: On a beaucoup de chance au Québec, car les gens sont ouverts face au fait que je sois une femme en technologie. Je pense que j’ai souvent déstabilisé les juges et mon auditoire, lorsque je présentais mon entreprise technoagricole. Cela dit, je pense qu’à compétences égales, un homme aurait probablement reçu du financement plus rapidement que moi. Les programmes de financement pour les entreprises fondées ou cofondées par des femmes sont nécessaires. Malheureusement, ils demandent souvent que les femmes soient propriétaires à 51% de l’entreprise. C’est très limitatif. Je suis convaincue que la diversité dans une équipe entrepreneuriale est primordiale pour la réussite et la bonne conduite d’un projet d’affaires.
Émilie Vion: Entrepreneure dans l’âme, vous avez d’autres projets d’affaires en cours et à venir?
Raphaëlle Viau: Il y a beaucoup de choses qui se trament. J’ai démarré une entreprise familiale avec mon père et mon frère, qui s’appelle IIS: Innovation Internationale et Services, une plateforme de production de différents projets d’innovation. Nous avons une division en cybersécurité pour assurer que la population et les entreprises soient bien sensibilisées à améliorer la gouvernance des entreprises. Nous avons aussi une division en ingénierie avec un projet encore en idéation sur la sécurité citoyenne. Et j’ai également WOMA, mon agence de marketing innovant pour femmes entrepreneures.
«J’ai beaucoup travaillé sur moi. C’est le meilleur conseil que je pourrais donner aux plus jeunes. Il faut savoir ce que nous souhaitons faire et respecter nos valeurs dans les projets que nous portons.» – Raphaëlle Viau
Émilie Vion: Vous avez participé à la délégation du Printemps Numérique pour la Nantes Digital Week, qu’est-ce que cela vous a apporté?
Raphaëlle Viau: J’ai remporté le 1er prix du concours de pitch Femmes Alpha qui m’a permis d’aller à Nantes. J’ai profité de ma présence à la Nantes Digital week pour pré-lancer mon agence de marketing. J’y ai conclu des partenariats forts dans le domaine artistique, pour la création de marques notamment. Le maillage a été très fructueux, et une ville comme Nantes, sacrée capitale européenne de l’innovation, amène beaucoup d’inspiration pour les entrepreneures. Pourtant, j’ai l’impression que la cause de la place des femmes en affaires et en technologie est encore plus à combattre en France.
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