Est-ce que ça se dit «trop de chefs, pas assez d’Indiens» ?
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Est-ce que ça se dit « trop de chefs, pas assez d’Indiens » ?
Peut-être avez-vous déjà joué, enfant, « aux chefs et aux Indiens »? Rendu à l’âge adulte et au travail, on se met à utiliser des expressions telles que « il y a trop de chefs et pas assez d’Indiens ». Dès le plus jeune âge, une exposition à des expressions péjoratives concernant les personnes autochtones est inévitable, sans même nécessairement le réaliser! Regardons plus en détails d’où vient cette expression… et pourquoi nous devrions l’éviter!
On utilise l’expression « trop de chefs, pas assez d’Indiens » pour décrire une situation où il y a trop de personnes en position d’autorité et pas assez de travailleur·euses pour accomplir les tâches. Cependant, cette expression est problématique et offensante pour plusieurs raisons liées à l’histoire et à la réalité actuelle des peuples autochtones en Amérique du Nord.
Le terme « Indien », c’est non!
Le terme « Indien » est une appellation incorrecte, attribuée aux peuples autochtones d’Amérique du Nord par Christophe Colomb, qui croyait avoir atteint les Indes, en Asie, lorsqu’il est arrivé sur le continent américain en 1492. Ce terme est donc non seulement géographiquement erroné, mais il a également été imposé par les colonisateurs européens sans considération pour les diverses cultures et identités des peuples autochtones.
Psst! D’ailleurs, on a un Est-ce que ça se dit « peuples autochtones », dans lequel on parle des bons termes à utiliser. On vous invite à le consulter!
Même si de nos jours les communautés sont toujours officiellement appelées « réserves indiennes » et que la loi constitutionnelle de 1987 se nomme toujours officiellement la « Loi sur les Indiens », ce terme évoque, en général, une connotation de colonialisme pour de nombreuses personnes autochtones au Canada. De toute manière, qui souhaite se faire appeler par un terme qui provient d’une erreur et ne correspond en aucun cas à son identité?
Déjà, rien qu’avec le terme « Indien », on comprend que l’expression est offensante et insensible pour les personnes autochtones. Mais continuons tout de même!
Un passé et un présent de colonialisme canadien
C’est de plus en plus connu, mais l’histoire du Canada est celle de la colonisation, la dépossession des terres autochtones, et les tentatives d’assimilation forcée, telles que le système des pensionnats.
L’expression « trop de chefs, pas assez d’Indiens » illustre une forme de déshumanisation enracinée dans l’histoire coloniale du Canada, où les peuples autochtones ont été systématiquement marginalisés et réduits à des stéréotypes. Historiquement, les politiques de colonisation, telles que les pensionnats autochtones et les déplacements forcés, ont cherché à effacer les cultures et les identités autochtones, les considérant comme inférieures et subalternes.
Cette déshumanisation persistante se manifeste également dans le langage. Des expressions comme celle-ci perpétuent l’idée que les personnes autochtones sont moins importantes ou moins compétentes, renforçant ainsi des préjugés et des stéréotypes dégradants.
N’oublions pas que ces violences ne sont pas seulement historiques; elles perdurent aujourd’hui sous différentes formes. On peut penser à la surreprésentation des personnes autochtones dans les systèmes carcéral et de protection de l’enfance, ainsi que les disparitions et meurtres de femmes et filles autochtones.
Une expression… qui n’a aucun sens!
Il y a déjà assez d’explications justifiant l’éradication de cette expression du vocabulaire, mais ajoutons la cerise sur le sunday!
L’expression « trop de chefs, pas assez d’Indiens » est incohérente, parce qu’elle repose sur une fausse dichotomie. Les « chefs » et les « Indiens » ne sont pas des groupes distincts. En réalité, les chefs sont eux-mêmes des membres des communautés autochtones.
Et oui! Historiquement, les communautés autochtones ont des structures de gouvernance bien établies. Les chef·fes jouent des rôles essentiels en tant que leaders communautaires et gardien·nes des traditions et des valeurs culturelles. L’idée que les chefs et les Indiens sont deux catégories séparées ne fait donc pas de sens.
Cela reflète aussi une méconnaissance et une déformation des réalités culturelles autochtones!
Comment transformer cette expression?
Pour éviter d’utiliser une expression offensante et dénigrante, voici quelques alternatives plus respectueuses et inclusives:
« Trop de décideurs, pas assez d’exécutants »
« …chefs / cuisiniers… »
« …entraîneurs / joueurs… »
« …généraux / soldats… »
Il est donc tout à fait possible de remplacer certaines expressions ayant (très) mal vieillies pour d’autres beaucoup plus neutres. D’ailleurs, de nombreuses écoles ont arrêtés de faire jouer les enfants « aux chefs et aux Indiens ». La nouvelle tendance ? Les « zombies »!
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Marion M.
12 septembre 2024 at 11 h 55 minJ’adore lire vos « est-ce que ça se dit? », toujours pertinents! et même si on utilise déjà les bons termes, ça nous donne matière pour reprendre délicatement les gens autour de nous au besoin 🙂
Florence Martin
29 septembre 2024 at 12 h 46 minMerci Marion pour votre gentil commentaire! 🙂