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Quand Stephanie Shirley signe Steve…et gagne des contrats

Dame Stephanie Shirley

Dame Stephanie Shirley. Credit Photo: steveshirley.com/gallery/photographs/


Un employeur qui propose du télétravail, travail à temps partiel, partage d’emploi (job-sharing), garderie en entreprise … vous en rêvez? Dame Stephanie Shirley l’a fait, il y a 60 ans. Portrait d’une pionnière.

Bien avant les milléniaux, cette entrepreneure née en Allemagne en 1933 mais élevée par une famille d’accueil en Angleterre, comprend les avantages d’un management flexible. «Faire confiance aux employés pour gérer leur temps n’était pas seulement efficace mais beaucoup plus facile que de vouloir contrôler les moindres détails», comme elle l’explique dans son livre Let It Go.

Naissance du télétravail

Trop pauvre pour poursuivre des études à l’université, elle commence à travailler tout en prenant des cours du soir en mathématiques et physique. Ses différents emplois lui font découvrir le développement logiciel, domaine qu’elle apprécie tout particulièrement. Après plusieurs expériences professionnelles frustrantes, où ses avis de technicienne sont systématiquement écartés d’un revers de main méprisant, elle décide à 29 ans de se mettre à son compte en tant que programmeuse indépendante (free-lance). Cela lui paraît le compromis idéal entre la vie de mère de famille et une vie professionnelle satisfaisante intellectuellement, avec une gestion autonome de ses priorités. 

L’avantage du développement logiciel à cette époque, est que cela ne demande aucune ressource ni infrastructure: en plus d’une tête bien faite, cela ne requiert qu’un stylo et du papier. On peut travailler depuis sa maison et, au besoin, embaucher d’autres programmeurs qui travaillent depuis chez eux, à condition qu’ils soient équipés d’un téléphone, afin qu’ils restent joignables. Dame Stephanie Shirley crée son entreprise sous le nom Freelance Programmers. Le télétravail est né (pdf).

Une entreprise fondée par une femme, pour des femmes

Constatant à quel point les jeunes femmes ayant étudié en mathématiques et travaillant dans l’industrie naissante des TI (Technologies de l’Information), se retrouvent d’office à la maison après leur mariage ou leur premier accouchement, elle a l’idée de recruter presque exclusivement des femmes. Elles travailleraient depuis chez elles, en free-lance. Il faut se rappeler qu’à cette époque, les femmes avaient besoin d’une permission écrite de leur mari pour ouvrir un compte bancaire et la société jugeait inconcevable qu’une une mère de famille continue de travailler en entreprise. Cette forme d’emploi permettait alors à toutes ces femmes de concilier travail et vie de famille.

Un article dans la presse sur sa compagnie décrit le développement logiciel comme «un travail qui peut être fait depuis chez soi, entre nourrir son bébé et laver les couches». Cette forme de publicité permet à la compagnie de se faire tout un catalogue de développeuses free-lance. Les annonces d’embauche parlent de «carrière pour femmes avec des personnes à charge». La compagnie se vante d’offrir des opportunités d’emplois à des femmes considérées comme inemployables par les entreprises traditionnelles dirigées par des hommes. Elle peut ainsi recruter des femmes de grands talents, reconnaissantes des opportunités offertes. 

Travail flexible, temps partiel, partage d’emploi et garderie

Peu de compagnies offrent des emplois à temps partiel aux femmes à l’époque. Freelance Programmers permet à ses employées de travailler selon leurs propres horaires. Seul compte l’atteinte des objectifs fixés, l’organisation incombe à l’employée. 

En plus du travail flexible et du temps partiel, la compagnie accepte le partage d’emploi (job-sharing, en anglais), pour donner suite à la demande d’un couple. «Pourquoi pas?» fut la réponse de Dame Stephanie Shirley. Et là encore, elle est pionnière pour permettre la collaboration de 2 personnes sur un seul poste temps plein, laissant aux 2 collaborateurs le choix de s’organiser.

Pour certaines employées, travailler depuis la maison n’est pas possible. Elles viennent alors dans les locaux de l’entreprise qui doit très vite s’adapter à la demande en créant une garderie pour s’occuper des enfants. Alors que Dame Stephanie Shirley envisage sérieusement une proposition d’achat de sa compagnie par un de ses clients, cette garderie est la pomme de discorde qui fait stopper la vente, le client trouvant cette charge inutile pour une compagnie. 

Une pionnière également en assurance qualité

Cette flexibilité amène la compagnie à développer des méthodes de contrôle qualité, bien avant les standards ISO. Bien que les programmes soient écrits par «des femmes entourées de bébé et de couches», comme ironisait Stephanie Shirley, ils sont le fruit de procédures très rigoureuses. C’est une des forces de la compagnie. Ces standards seront par ailleurs repris par le ministère de la défense puis par l’OTAN en 1987. Et un des contrats de la compagnie sera d’écrire les programmes d’analyse de la boite noire du Concorde.

Steve au lieu de Stephanie et un envol jusqu’aux années 2000

Mais les contrats tardent à se concrétiser jusqu’à ce que son mari lui suggère un petit tour de passe-passe: signer ses lettres du nom de Steve Shirley. Et effectivement, les réponses positives commencent à arriver! Quatre ans après sa création, 75 programmeurs travaillent régulièrement chez Freelance Programmers. 

En 1975, on reproche à la compagnie sa politique d’embauche pour «femmes avec des personnes à charge». Bien que la compagnie emploie des hommes, ils sont fortement minoritaires. Elle change de nom pour F International et embauche dorénavant des «individus avec personnes à charge».

En 1985, F International emploie 1 000 personnes et fait partie des 20 plus importantes compagnies de logiciel au Royaume-Uni. Dame Stephanie Shirley nomme alors Hilary Cropper à la direction générale. Cette dernière va considérablement augmenter les revenus, marges et actifs de la compagnie qui devient une société anonyme et change de nom pour FI Group, puis Xansa. Hilary Cropper dirige le rachat par le personnel du groupe FI en 1991 et, alors que le marché boursier grimpe en flèche à la fin des années 90, une centaine d’employés deviennent millionnaires en actions. 

Dame Stephanie Shirley prend sa retraite en 1993 et devient une des femmes les plus riches d’Angleterre lors de la vente de la compagnie. Elle se consacre depuis à la philanthropie, notamment pour la cause de l’autisme dont était atteint son fils.

Elle donne de nombreuses conférences et a l’habitude de demander à ses auditeurs, avec humour : «À quoi reconnaît-on une femme ambitieuse? À son front aplati par les petites tapes paternalistes reçues tout au long de sa carrière!»

Référence : Let It Go de Dame Stephanie Shirley, publié en 2012 par Andrews UK publication. 

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