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Et si nos handicaps étaient nos plus grandes forces?

Entreprendre pour la première fois, c’est comme sauter d’un avion sans aucun parachute. La seule façon d’éviter la catastrophe est de construire un nouvel avion le plus vite possible.

En toute franchise, mon entrée dans l’univers de l’entrepreneuriat s’est faite… par accident. Je suis directrice marketing chez Agorize à Paris depuis deux ans lorsque mon ex-femme m’annonce qu’elle vient d’avoir une opportunité professionnelle à Montréal. Et je la suis.

À l’époque, pas question d’étendre les opérations d’Agorize au Canada. Il me faut donc démissionner et tout recommencer à zéro à Montréal. Nouvelle vie, nouveaux codes culturels, nouveaux liens humains et nouvelle carrière à construire. Les deux premiers mois sont tough. Je ne m’attends pas à vivre un décalage culturel aussi fort. Ma famille et mes amis me manquent. Et professionnellement, les offres d’emploi ne pleuvent pas. Et puis un jour j’entends cette phrase lors d’une conférence, qui sonne comme une épiphanie:

«You either find a job, or you create your own job.»

C’est à ce moment que je décide de créer Agorize Canada, même si je doute énormément de mes capacités à relever ce défi. Je ne pense pas du tout avoir l’étoffe d’une entrepreneure, encore moins sur un marché que je connais à peine.

Je parle de mes doutes à une figure proéminente de l’écosystème startup montréalais. Et elle me répond: «Tu sais Aurélie, c’est vrai que toi et ta startup, vous allez avoir de la misère à percer au Québec. Parce que vous n’êtes pas d’ici.»

Je ne remercierai jamais assez cette personne. Sa franchise m’a donné une envie irrépressible de lui prouver le contraire. Après tout, je connais le produit et le type de clients sur le bout des doigts. Maintenant, il faut décrocher des mandats.

Les huit mois suivants sont aussi excitants que terrifiants. Comme je ne suis plus salariée, je ne gagne rien tant que je ne fais pas décoller les ventes. C’est comme si je sautais d’un avion sans aucun parachute, et que la seule façon d’éviter la catastrophe est de construire un nouvel avion le plus vite possible.

Sans trop m’en rendre compte, je suis en train de passer d’employée à entrepreneure. Ou plutôt intrapreneure.

Je participe à tous les évènements autour de la technologie, des startups et de l’entrepreneuriat. Je comprends qu’ici, le réseau est ton plus gros avantage concurrentiel. Alors je réseaute comme jamais.

Je pivote aussi mon pitch de vente plus de 200 fois avant d’enfin comprendre l’angle le plus percutant. Je m’auto-forme sur des douzaines de sujets: commemt monter son entreprise au Québec, les lois du travail, les codes de santé et sécurité, le système bancaire, le réseautage efficace, comment vendre au Québec, au Canada, et aux États-Unis, comment construire une culture d’entreprise forte, etc.

Les journées sont longues et je vis un ascenseur émotionnel assez intense. Heureusement, la mission d’Agorize me motive à me lever tous les matins et continuer. C’est rare de faire partie d’une organisation qui a un impact aussi positif sur la vie et la carrière d’autant de personnes.

Au bout de 10 mois, je réussis à décrocher plusieurs mandats, notamment avec trois grandes entreprises (Radio-Canada, TD Assurance, et Oxford Properties). Ce qui m’aide beaucoup, ce sont les missions commerciales qui me font accéder plus rapidement à des décideurs, et LinkedIn. Attention à ne pas faire l’erreur que j’ai commise: il faut vraiment éviter de vendre sur LinkedIn. Ce canal est très puissant si on y va pour partager du contenu pertinent, réagir aux nouvelles de son réseau, et encourager ses pairs.

Je peux aussi faire mes deux premières embauches. Malheureusement, les personnes ne restent pas. Je commets des erreurs de recrutement et de management qui m’apprennent deux leçons:
1. Donner un maximum de contexte et un objectif clair à son équipe est bien plus efficace que de les micro manager
2. Pour chaque nouvelle recrue, il faut se poser trois questions:
A-t-elle compris ce qu’on attendait d’elle?
A-t-elle envie de remplir cette mission?
Est-elle qualifiée pour ce poste?
Si la réponse à au moins une de ces questions est non, mieux vaut ne pas embaucher ce candidat.

C’est aussi la période où je comprends l’importance de s’entourer de mentors. J’ai la chance de pouvoir compter sur des femmes et des hommes incroyables vers qui je me tourne lorsque je suis dans l’impasse. J’ai rencontré mes mentors de différentes manières : via des réseaux d’entrepreneurs, sur LinkedIn, sur Twitter, et à une conférence. Moralité: c’est super payant de démarrer la conversation avec des inconnus, dans la vraie vie, comme en ligne !

Aujourd’hui, l’équipe d’Agorize Canada compte 9 personnes, sur Montréal et Toronto. Il y a encore beaucoup de défis à relever, comme les ventes et la croissance de l’équipe et de notre communauté en Amérique du Nord. Mais pour rien au monde je ne retournerai en arrière.

La leçon que je retiens de ces deux dernières années à entreprendre dans les technologies est de ne pas se laisser déstabiliser par ce qu’on considèrerait normalement comme un handicap.

Longtemps j’ai pensé que le fait d’être une femme immigrante lesbienne de couleur était une malchance. Alors qu’en fait c’est justement grâce à cela que les gens se rappellent de moi. C’est seulement une fois que j’ai décidé de faire de mon profil atypique une force que j’ai pu me libérer du syndrome de l’imposteur et aller de l’avant.

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